Résumé:
Les contacts
de langues impliquent naturellement des compétitions et des conflits. Si ces
aspects sont documentés dans la littérature linguistique à travers les discours
épilinguistiques, peu de travaux s’appuient sur la production intellectuelle
produite dans le contexte étudié.
Le présent article est une tentative
d’approcher la question du conflit linguistique qui ne cesse de diviser la
société tunisienne et de provoquer sa névrose à partir d’une nouvelle publiée
dans le contexte initial de la querelle sur le rôle des langues dans l’avenir
de la Tunisie coloniale. Véritable document historique, le texte nous amène à
nous interroger sur la place à réserver à ce type de « support » dans
la pratiquesociolinguistique.
Mots clés: Contact des
langues, Tunisie, Langue arabe, Langues étrangères, conflit linguistique,
Sociolinguistique.
Abstract:
Language
contact often imply to competitions and conflicts. These aspects have been
largely studied in the literature while studying epilinguistic discourse;
however intellectual production about languages in contact contexts is rarely
investigated.
This
paper is an attempt to approach linguistic conflict which continuously divides
Tunisian society and generates its anxiety on the basis of a novel published in
the initial context of the conflict. The text, which is a historical document,
makes us question the place to reserve to this “corpus” in sociolinguistic
study.
Keywords: language
contact, Tunisia, Arabic language, foreign languages, language conflict,
sociolinguistics.
ملخّص: يؤدّي
تماس اللّغات بصفة طبيعيّة إلى تنافسها وتصادمها. ولئن كانت هذه المظاهر قد حضيت
بدراسات عديدة من خلال دراسة التمثّلات والمواقف الاجتماعيّة فإنّ البحوث المستندة
إلى الإنتاج الفكري الخاص بالفترة المدروسة لاتزال شحيحة إن لم نقل أنها منعدمة.
تمثل هذهالورقة محاولة
لتناول الصّراع حول المسألة اللغويّة الذي ما انفك يمزّق المجتمع التونسيّ ويأجّج
"عصابه"من خلال دراسة أقصوصة
منشورة خلال الفترة التي أسّست لهذا التصادم في تونس والمتمحور حول دور اللّغات
في مستقبل البلاد التونسيّة في مرحلة الاستعمار الفرنسي.
ولمّا
كان هذا النص بمثابة وثيقة تاريخية خالصة فإنه يحيلنا عن كيفية تناول مثل هذه
الوثائق في الفكر اللّساني الاجتماعي.
الكلمات
المفاتيح: تماسّ اللّغات،
اللّغة العربيّة، اللّغات الأجنبيّة، الصّراع اللّغوي، علم اللّسان الإجتماعي
1-
Introduction:
S’il est maintenant largement admis
que tout contact des langues implique leur compétition (Mufwene, 2003 :),
il n’est pas chose rare que cette compétition se transforme en conflit ouvert
et en glottophagie, puisque le rapport entre les langues est un rapport de prédation
(Calvet, 1974 :72 sqq ; 2016 :58) dans la mesure où l’une œuvre
pour supplanter l’autre. Ce conflit est souvent étudié par les linguistes à
travers l’examen du poids institutionnel et symbolique des langues dans un
contexte donné, c’est-à-dire par l’entremise de l’examen des politiques
linguistiques, d’un côté, et des attitudes et des représentations quela
concurrence génère au niveau de l’individu et de la société en général, de
l’autre. Néanmoins, si l’étude du phénomène a toujours été annexée à l’étude du
bilinguisme (Nelde, 1987: 36 sqq), en pratique, il est très rare que les
sociolinguistes se soient intéressés à la production intellectuelle d’individus
qui prennent position dans les débats de leur(s) société(s). Cela se comprend,
bien évidemment, lorsque nous savons que la sociolinguistique s’est installée
comme une pratique de terrain et a fait de la parole son principal objet
d’étude.
Or, du point de vue de l’approche
écologique des langues, rien ne semble exclure que l’on s’intéresse à la production
intellectuelle qui pourrait mieux nous expliquer certains contextes clé dans
l’étude sociolinguistique d’un contexte de contact donné. La question
mériterait, certes, d’être débattue plus longuement.
Pour ne pas nous attarder sur ce
débat théorique, nous ne soulignerons jamais assez l’intérêt de ces sources pour
l’étude de sociétés, telles que la société tunisienne, où le contact des
langues donne lieu à une véritable question linguistique.
Ce papier examine un spécimen de la
production intellectuelle relative au problème linguistique dans la Tunisie
coloniale. Le texte que nous examinons n’est pas l’unique cas illustrant la
mise en texte de la querelle linguistique que la Tunisie a connue durant les
trois premières décennies de la colonisation française. D’autres textes
« littéraires », notamment la pièce de théâtre « lezeitounien et l’enfant des
écoles »[3],
signé par Mohsen Zakaria, homme de lettres tunisien du début du 20ème
siècle, ont traité la même question. Toutefois, le texte est unique en son
genre, d’une part, parce qu’il est écrit dans un style parabolique; d’autre
part, parce qu’il prévoit une issue heureuse à une situation cornélienne.
2- Le texte:
Il s’agit, donc, d’un récit inscrit
dans la réalité spatio-temporelle du personnage narrateur, la Tunisie des
années 1920, pendant le printemps. Le personnage, anonyme, rentre chez lui
fatigué après une longue journée de travail et décide par cette soirée
printanière de sortir prendre l’air dans un de ces jardins publics de sa ville.
Il aperçoit alors un jeune homme, habillé à l’arabe, et une femme âgée dans une
discussion qu’il croit amoureuse. Curieux, il s’approche des deux personnages.Le
récit prend alors l’allure d’une parabole parodiant celle du retour de l’enfant
prodigue confèrant au texte une valeur moralisatrice. Voici la traduction
française que nous proposons de ce texte dont la version arabe est citée dans
Bouagamra (1985:334-341) :
Réprimandes au milieu de la
nuit[4]
Nous
sommes en Tunisie, par l’un des jours du printemps. Il commence à faire beau.
L’air s’adoucit et l’hiver s’est replié avec ses vents et ses tempêtes pour
céder place aux jours printaniers avec leurs fleurs, leur lumière et leur
soleil doux.
Après
le coucher du soleil de l’une de ces journées revigorantes, je suis rentré du
travail épuisé et plein de soucis. Je n’ai pu, durant toute la journée, me
promener dans l’un des parcs afin de me détendre l’esprit et le corps. Alors,
je n’ai pas jugé nécessaire de m’envelopper dans ma tunique et ai décidé de
sortir pour une petite promenade.
J’ai
passé un moment à circuler des les ruelles et les rues, jusqu’à ce que j’aie
atteint les portes d’un somptueux jardin peuplé d’arbres de tous les côtés. J’y
ai pénétré et me suis enfoncé dans ce grand parc, entouré de tous les côtés par
les arbres. Je ne voyais personne, dans ce parc, qui me tienne compagnie, ni ne
percevais le chant mélodieux d’oiseaux perchés sur ces arbres. Les fleurs,
elles-mêmes, semblaient immobiles à cause de l’apathie de la nature à ce
moment-là, comme si elles eussent fané. J’eus le cœur serré de cette
épouvantable solitude et regrettai d’être sorti à cette heure-là. Je pensai
rebrousser chemin, lorsque, soudain le lieu s’éclaira de la lumière de la lune,
et je commençai, alors, à tout voir, même les oiseaux dans leurs nids. Je fus
rassuré par cette pleine lune et abandonnai l’idée de rentrer. Je m’assis à un
banc de bois et commençai à contempler cet espace en me délectant de la vue des
merveilles, que Dieu, le grand, le rétributeur, avait créées. Alors que j’étais
dans cet état, j’aperçus, grâce aux rayons de la lune, derrière un arbre
immense, une femme à la fin de l’âge adulte, maigre et pâle, le dos un peu
courbé, bien que les traits de sa beauté antérieure fussent encore visibles sur
son visage triste. Elle s’appuyait, de la main, sur le tronc de cet arbre
volumineux comme si elle eût craint qu’il tombât (de tomber) à terre en s’en
éloignant. En face d’elle, se tenait un jeune homme la fleur de l’âge, habillé
à la mode arabe[5],
qui la regardait d’un œil courroucé plein de reproches. Quant à elle, elle le
regardait avec des yeux plein de tendresse, d’affection et de regret. Elle le
regardait avec des yeux dont les canaux lacrymaux étaient emplis d’océans de
larmes chaudes, pendant qu’ils discutaient à voix basse.
J’eus
alors une grande crainte et me dis : que ferait cette femme, à une heure
pareille, en compagnie de ce jeune homme dans pareil endroit ?
Seraient-ils en train de s’avouer leur amour et de se plaindre de la violence
de leur désir et de leur folie amoureuse ?
Non,
non ! Le jeune homme est (d’origine)[6]arabe
et la femme de même ; et il n’est pas de leursmoeurs de s’adonner aux
complaintes amoureuses dans les parcs et les lieux publics. Néanmoins, il n’est
pas exclu qu’ils soient de ces personnes récemment civilisées qui n’ont appris
des Européens qu’à faire la cour aux femmes au vu et au su de tout le monde et
qui ne les imitent qu’en cela ! Mais, non ! Non ! Leur posture n’indique
pas qu’ils sont au cours d’une déclaration d’amour, ni d’une complainte où ils
diraient la violence de leur désir et de leur folie amoureuse. Au contraire,
elle est l’indice d’une querelle qui oppose deux rivaux et un débat d’une
grande importance.
Ma
curiosité me poussa, alors, à quitter mon siège de bois et à me diriger vers
ces deux individus afin d’écouter la discussion qui se déroulait entre eux. Je
me déplaçai sur le bout des pieds jusqu’à atteindre leur niveau et me mis
derrière un arbre, de façon à assister à la scène sans être vu, ni entendu. Le
jeune homme disait à sa compagne, sur un ton où se mêlaient colère et
sévérité :
« Pourquoi
fais-tu de moi la risée de tous les locuteurs des langues vivantes ?
Pourquoi ton lexique ne m’est-il d’aucune aide ? Pourquoi suis-je
prisonnier du sens de tes mots auxquels ni moi, ni aune personne sensée ne
trouvent la moindre éloquence et l’enchantement que vous prétendez, toi et
certains de tes locuteurs qui trouvent en toi de quoi traduire leur imaginaire
étriqué et leurs connaissances réduites ? Pourquoi les locuteurs des
autres langues sont-ils supérieurs à moi ? Pourquoi trouvent-ils plus ce
que ce dont ils ont besoin pour dénommer toute nouvelle invention et toute
nouvelle découverte, pour écrire des articles extraordinaires, rédiger les
ouvrages et composer de la poésie ? Pourquoi devrais-je vivre dans le
paroxysme du déclin à cause de toi ? Pourquoi m’impute-t-on tes erreurs,
toi qui t’arroges un droit de maternité sur moi, et suis-je rabaissé par tous
les gens et me regarde-t-on avec aversion ? Pourquoi me blâmes-tu,
pourquoi me maudis-tu, lorsque je cherche à apprendre une langue autre que toi,
et cries- tu : au secours ! à l’aide ! Y a-t-il personne qui me
libère des griffes de cet enfant irrévérencieux qui s’est détourné de moi, qui
m’a abandonnée et qui me laisse dans le déclin dégringolant jusqu’à la
disparition ? »
Ensuite,
il leva la tête vers le ciel et dit :
« Oh
mon Dieu ! Oh mon Dieu ! Que dois-je faire ? ces cris me
harassent et perturbent ma pensée, si bien que je ne sais que faire ni comment
trouver la voie du salut ! Dois-je apprendre les langues des autres, pour
que mes pairs ne me devancent pas sur le chemin de la béatitude et que je ne
sois pas dans l’oubli, tout en ignorant les appels au secours de cette
langue ? Ou alors, dois-je l’apprendre, elle, en dépit du fait qu’elle ne
me garantit ni la félicité, ni la quiétude, ni la gloire, ni encore la
guérison, pour qu’elle soit satisfaite de moi alors que je ne suis pas
satisfait de moi-même, et la majorité des gens non plus. »
Il la fixa longuement, puis
lança :
« Non !
Non ! avec le temps, j’ai appris que tu es inapte pour cette époque et que
tu es incapable de t’élever à la prospérité qu’il véhicule. Je suis dans
l’obligation de te quitter. Ce n’est pas de ma faute, c’est la tienne. Voilà
que je t’ai démontré le préjudice que tu m’as causé, préjudice que je
supportais en toute patience, en me contentant de toi jusqu’à ce que le torrent
ait atteint les sommets[7]
et que le gouffre devienne plus profond. Par conséquent, je te quitte en te
disant à Dieu ! À Dieu ! »
Après
avoir prononcé ces derniers mots, il lui tourna le dos et s’éloigna d’elle.
Elle tendit alors sa main chétive et terne et l’attrapa par le bout des
vêtements, en lui demandant de revenir, afin qu’elle lui dise quelques mots.
S’étant
calmée, son désarroi ayant disparu et sa langue se déliant, elle lui dit d’une
voix si sourde que je l’ai à peine perçue :
«
Mon enfant, ne te hâte pas de me juger sévèrement. Je suis vraiment ta mère, et
cela n’a rien d’une allégation mensongère. J’ai supporté de rester debout à
entendre ton long développement, tes reproches et tes critiques injustes et
offensantes. N’auras-tu pas pitié de cette mère affectueuse pour écouter son
court propos plein de vérité, ainsi que ses conseils sincères ? Car elle
ne cherche qu’à te dévoiler ce que tu ignores de ta situation et ce dont ton
avenir dépend. »
Il se
tut et attendit.
« Mon
enfant, mon enfant, continua-t-elle, tu vois bien de tes propres yeux
maintenant ma faiblesse et ma pâleur, de même que le chagrin et le malheur qui
m’engloutissent. La vieillesse m’a assailli alors que ma jeunesse n’est pas
révolue ; je grisonne, bien que je n’aie pas atteint l’âge adulte ;
mon dos se courbe, quoique je sois à un âge où on se tient droit et où la
structure du corps est harmonieuse ; j’ai les yeux en boutons de bottine,
alors qu’ils devraient être luisants. N’étaient-ce quelques enfants probes, sur
qui je m’appuie et dans les bras de qui je me jette, des enfants qui m’ont accueillie
avec joie et qui ont fait preuve de piété filiale envers moi, tu ne me verrais
parmi les vivants, fût-ce dans cet état !
Sais-tu
la cause de ces catastrophes troublantes qui se sont abattues sur moi ?
C’est…toi !
Crois-tu
que je puisse rester sereine et que je ne meure pas à petit feu, lorsque je te
vois m’accuser de faire de toi la risée de tous les locuteurs des langues
vivantes et des langues mortes ? À moi seule le droit de te dire que c’est
toi qui as fait de moi la risée de toutes langues ! Ces langues ont en
effet trouvé, dans les pires moments et face aux catastrophes les plus
fâcheuses, le plus grand soutien dans leurs enfants qui leur ont prêté main
forte, ont élargi leurs champs et les ont fait évoluer à partir des ressources
propres à ces langue sans grands efforts, ni peine considérable. Au contraire,
cela leur a valu un grand profit ainsi que l’appréciation publique. Quant à
moi, je n’ai trouvé en toi aucun soutien et pas la moindre aide dans les
moments difficiles. Tu n’as pas fourni le moindre effort pour élargir mon champ
et améliorer mon état, de telle façon que nous n’avons recueilli, aussi bien
toi que moi, que la risée générale !
Penses-tu
que je ne sois pas au comble du malheur en te voyant mécontent de mon lexique,
à tes yeux et aux yeux de tes semblables n’ont pas la moindre éloquence ni la
moindre douceur ? En te voyant qualifier de fous ceux de mes enfants qui
se sont attachés à moi et trouvent en moi la meilleure des mères pour les
meilleurs enfants ? Et en te voyant les accuser d’avoir des connaissances
réduites et un imaginaire étriqué, alors que je suis cette langue au riche
lexique et aux champs sémantiques très vastes ; alors que je suis cette
langue claire et suave dans la source intarissable de laquelle tous ceux qui en
connaissent la valeur, même les enfants des autres langues, aiment à
s’abreuver ? Cette frange à laquelle tu fais allusion ne s’est accrochée à
cette source qu’en y trouvant la solution aux problèmes, essentiels, du sens et
de l’expression ainsi que l’aptitude à véhiculer les savoirs les plus immenses
et les imaginations les plus fertiles.
Réalises-tu
la foudre assassine qui s’abat sur moi, lorsque j’entends dire :
« Pourquoi devrais-je vivre dans le paroxysme du déclin à cause de
toi ? », alors que je t’ai édifié une fondation qui t’aurais hissé au
sommet de la gloire, si tu en avais poursuivi la construction ?
Te
doutes-tu que je frôle la folie en te voyant prétendre que ma matière est trop
insuffisante pour désigner les découvertes et les inventions nouvelles par des
dénominations adéquates, pour la rédaction d’articles extraordinaires, pour la
confection d’excellents ouvrages et pour la composition d’une belle
poésie ; alors que je suis cette langue riche en paradigmes et en racines[8] ?
N’as-tu pas consulté les rapports qui reconnaissent ma
supériorité sur les langues vivantes les
plus immenses ? Ce témoignage n’émane pas de mes locuteurs, mais des
locuteurs des langues concurrentes qui préfèrent m’étudier plutôt que d’étudier
leurs langues maternelles sans craindre que cela ne mène à leur disparition, ni
à l’étiolement de leur nationalité[9].
Dis-moi,
sur ta vie, comment tes glorieux ancêtres ont-ils rédigés les articles les plus
détaillés ? Comment ont-ils rédigé des ouvrages utiles dans tous les
domaines ? Comment ont-ils composé les plus belles poésies dans cette
langue qui, aujourd’hui, te répugne ? Comment ont-ils atteint la gloire à
travers elle, si bien que leur œuvre est, aujourd’hui, le fondement de ce que
les contemporains construisent ?
La
recherche de quels mots te rend-elle si impuissant ? Si, en effet, tu
faisais le moindre effort, tu trouverais dans ta langue la solution à ton
problème, et bien plus encore, de même que tu découvrirais qu’elle contient en
son sein des dénominations permettant de désigner tout ce que le temps peut
amener, sans que cela ne la dévalorise. Au contraire, elle gagnerait en beauté
et en jeunesse.
Ne te
rends-tu pas compte que la douleur me ronge, en te voyant me renier comme si je
jetais l’opprobre sur toi et lorsque tu m’accuses d’être à l’origine de
l’aversion et du mépris que les gens ont pour toi, alors que cette répulsion et
ce mépris ne sont que le résultat de ta paresse et du fait que tu négliges un
trésor que Dieu t’a offert et que tu as mal gardé en l’abandonnant et en ne
pensant jamais à le développer ?
Penses-tu
à moi ? J’écume de rage en t’entendant m’imputer de t’empêcher d’apprendre
les langues étrangères et de te maudire à la première occasion (où tu
entreprends telle activité)[10],
tandis que je t’ai toujours demandé de m’apprendre, en premier, et d’apprendre,
ensuite, les langues étrangères qui te feront envie, comme le font les nations
évoluées. Comment pourrais-je t’en empêcher, alors que selon l’affirmation du
poète :
Apprendre
les langues est pour nous
Un
devoir pareil à la prière
Car
personne ne peut être sauvé
Si ce
n’est par l’apprentissage des langues,
et
que la sagesse dit « l’homme est langue » ? Du reste, je t’ai
résumé mes revendications dans cette phrase « préserve ta langue et apprends-en
d’autres ». Par ailleurs, je n’ai crié au secours que lorsque j’ai
constaté que tu as fait fi de mon testament et jeté mes conseils aux
oubliettes.
Imagines-tu
que le restant de vie qui m’anime et que je passe dans la peine et le malheur
s’évanouit lorsque tu m’accuses, en fin de compte, d’être seule coupable de mon
déclin, alors que c’est toi qui l’es ?
Te vient-il à l’esprit que je suis engloutie
pas le courroux et l’impuissance en t’entendant dire : « j’ai beau
faire tous les efforts dont je suis capable pour pallieràtes
dysfonctionnements. Mais, ce sont des efforts vains. Le torrent a atteint les
sommets et le gouffre devient plus profond » ? Je te conjure- par le
Coran dont les versets sont dans cette langue étroite !- de me dire quels
efforts as-tu déployés pour le faire ? Est-ce en me jetant aux oubliettes
et en introduisant tous les mots et les termes techniques étrangers que toi et
ton modernisme voulez ? Certes, tu en as fourni beaucoup, de ce point de
vue ! et je prie Dieu de t’en rétribuer, car la rétribution est conforme à
la nature des actes !
Voilà
que je t’ai vu invoquer le ciel et implorer Dieu, qui est puissant et grand, de
te guider dans ce qui peut te donner du succès, bien que la voie pour cela soit
claire devant toi et ne mérite pas explication ! Sauve-toi donc mon enfant
avant que les voies du salut ne te soient fermées et que tu ne le regrettes
quand cela ne servira à rien. Accepte les conseils d’une pauvre mère venue te
réprimander et (en même temps)[11]
implorer ta clémence « au milieu de la nuit sombre » et la fâcheuse
solitude. Œuvre, désormais, pour la promotion de cette langue envers laquelle
tu as des devoirs filiaux, en l’apprenant et en y perfectionnant tes
compétences par tous les moyens utiles, notamment la recherche ou la
publication, ainsi que par tout procédé garantissant le progrès, après quoi tu
pourras apprendre les langues étrangères. Je te garantis (que tu accèderas)[12]
la béatitude éternelle, le bien-être perpétuel, la gloire et le rétablissement
de ce mal dont tu souffres, ainsi que ton estime de toi-même et celle des
autres.
En
proférant ces phrases, la dame regardait de temps à autre le jeune homme. Elle
vit alors ce courroux et cette sévérité se dissiper peu à peu. Elle n’a pas
fini son propos qu’ils ont complètement disparu et cédé la place à ces deux
sentiments qui ne tarissent pas chez l’Arabe, même dans les pires moments du
déclin et du malheur, à savoir de se ressaisir en trouvant bon conseil, la
volonté de rattraper les occasions perdues et de ne plus les rater à l’avenir.
Il se
pencha, alors, sur la main de cette mère affectueuse et la baisa en implorant
son indulgence pour son manquement à son devoir. Il lui promit sincèrement de
suivre ses conseils à la lettre afin de lui rendre sa jeunesse et sa gloire et
jouir de la fierté de lui appartenir.
« Je
te pardonne de bon cœur, mon enfant, répondit, aussitôt, cette mère débordant
d’amour et d’affection, et je prie Dieu, qui est élevé, de t’assister dans ta
mission sacrée ! Maintenant, au revoir dans les cieux de la
gloire ! »
Ensuite, elle partit en le
laissant heureux de trouver la voie du salut à l’avenir et (en même temps)[13]
peiné d’avoir gaspillé le temps passé. Quant à moi, je pris le chemin du retour
l’humeur gaie et plein de joie pour ce que j’ai vu et entendu !
Le texte est publié dans un contexte
colonial et prend position dans un débat antérieur sur les langues, celui
durant lequella langue arabe vit une marginalisation institutionnelle et
symbolique et où certaines voix appellent déjà à adopter la langue française
comme langue de développement au détriment de l’arabe.
3- La notion de conflit
linguistique:
La notion de conflit linguistique
renvoie aux développements des linguistes catalans et occitans qui, dès les
années 1970, vont s’opposer à la théorie nord-américaine de la diglossie
élaborée par Ferguson (1959) et remaniée par Fishman (1967) et Faslod (1984). Contrairement à Ferguson pour qui la
diglossie est une situation stable qui concerne des langues génétiquement
apparentées dont l’utilisation obéit à une compartimentation
fonctionnelle ; Fishman et Fasold étendent la notion à des contextes où
des langues de familles différentes sont en contact, mais maintiennent l’idée
de séparation fonctionnelle des langues.
Pour les linguistes catalans et occitans,
la diglossie est un cas particulier du conflit qui est défini dans ces termes
par les travaux du
Congres Cultura Catalana (1978, VOLI: 13) dont voici la traduction proposée par
Kremnitz (1981: 65-66):
Il
y a conflit linguistique quand deux langues clairement différenciées
s’affrontent, l’une comme politiquement dominante (emploi
officiel, public) et l’autre comme politiquement dominée. Les formes de la domination vont de celles qui sont
clairement répressives (telles que l'État espagnol les a
pratiquées sous le franquisme) jusqu'à celles qui sont tolérantes sur
le plan politique et dont la force répressive est essentiellement
idéologique (comme celles que pratiquent les États français et
italien.)
Un conflit linguistique peut être latent ou aigu,
selon les conditions sociales, culturelles et politiques de la société dans
laquelle il se présente. Ainsi, dans une société préindustrielle, avec une
situation stabilisée de diglossie, le conflit linguistique est habituellement
latent (comme il l'était au Pays valencien il y a vingt ans ou en Roussillon il
y a encore moins longtemps). Mais dans une société industrialisée, dans
laquelle l'idéologie diglossique se voit avant tout alimentée par les classes et les secteurs sociaux qui en empêchent le
développement socioéconomique et culturel, le conflit se montre d'habitude sous
sa forme aiguë[14].
Cette situation- qui mène, soit à la
SUBSTITUTION (abandon de la langue dominée pour la langue dominante), soit à la
NORMALISATION (émancipation de la langue dominée et disparition de la langue
dominante)- est de nature à donner naissance à des fonctionnements diglossiques
(Gardy et Lafont, 1981) dont les conséquences sur l’individu et les groupes
sociaux sont perceptibles à partir d’un certain nombre de traits que nous
allons sans plus tarder examiner dans la section qui suit.
4- Fonctionnements conflictuels dans le texte:
Il faut souligner, d’abord, que le
conflit linguistique tel qu’il peut apparaitre en Tunisie est double, puisqu’il
oppose, d’un côté, le monde colonial au monde autochtone et, par un retour de
flammes, deux pans de la société tunisienne de l’époque, de l’autre. Les deux
aspects sont, du reste, indissociables, car le conflit entre le français et
l’arabe a fait émerger un conflit entre les défenseurs une modernité fondée sur
l’apport occidental et les partisans d’une modernisation qui émane de
l’intérieur de la culture locale, donc fondée sur la langue arabe.
Le conflit, ainsi que nous l’avons
signalé plus haut, est incarné par la minoration institutionnelle et symbolique
de la langue arabe dans la Tunisie colonisée, malgré l’existence d’une
administration bicéphale, celle du beylicat et celle du protectorat. En effet,
dans le fleuron même de l’enseignement tunisien, le collège Sadiki, la langue
arabe est de plus en plus marginalisée (Cf. Sraieb, 1971). Quant au plan
administratif et économique, la langue française s’est installée comme un
capital symbolique, sans lequel le Tunisien reste à la marge du système. À cela
s’ajoute le fait que les colons français, imbus de leur culture, n’hésitaient
pas à faire valoir la supériorité de leur culture et de leur langue par rapport
à la langue et à la culture arabes. Charles Noel (1909) n’avait-il pas
argumenté ouvertement et en public, en s’efforçant à ne démonstration
« scientifique », que l’arabe était une langue morte, et appelé par
là les Tunisiens à adopter la langue française comme langue de salut ?
Si le texte que nous examinons
n’illustre pas directement le conflit entre la langue française et la langue
arabe, ou disons qu’il ne l’implique pas directement, il ne manque pas de la
rappeler, parle truchement de la mise en scène du conflit tuniso-tunisien
incarnée par le débat entre la vieille dame et le jeune homme.
Dans cette fiction, deux visions sont
renvoyées dos à dos, celle qui semblerait réaliste et constate dans la douleur
l’inadaptation de la langue arabe aux besoins de la modernité technique, et
celle qui défend la thèse que hors de l’arabe, il n’y aura point de salut
possible.
4-1- Du constat douloureux à l’auto-odi:
Sur le plan individuel, force est de
constater que la compétition de l’arabe et des langues étrangères mène à une
douleur intense et à une crise du moi chez le personnage qui multiplie les questionnements
et les accusations adressés à son interlocutrice:
Pourquoi fais-tu de moi la
risée de tous les locuteurs des langues vivantes ? Pourquoi ton lexique ne
m’est-il d’aucune aide ? Pourquoi suis-je prisonnier du sens de tes mots
auxquels ni moi, ni aucune personne sensée ne trouvent la moindre éloquence et
l’enchantement que vous prétendez, toi et certains de tes locuteurs qui
trouvent en toi de quoi traduire leur imaginaire étriqué et leurs connaissances
réduites ? Pourquoi les locuteurs des autres langues sont-ils supérieurs à
moi ? Pourquoi trouvent-ils plus que ce dont ils ont besoin pour dénommer
toute nouvelle invention et toute nouvelle découverte, pour écrire des articles
extraordinaires, rédiger les ouvrages et composer de la poésie ? Pourquoi
devrais-je vivre dans le paroxysme du déclin à cause de toi ? Pourquoi
m’impute-t-on tes erreurs, toi qui t’arroges un droit de maternité sur moi, et
suis-je rabaissé par tous les gens et me regarde-t-on avec aversion ?[15]
Ces interrogations-accusations font,
en réalité, écho à ce qui parcourait la société tunisienne de l’époque et
divisait les intellectuels quant au rôle de l’arabe dans l’avenir du pays: un
lexique inutile et anachronique, des horizons intellectuels étriqués, une
langue du déclin et de la dégradation, la supériorité des langues étrangères
porteuses de gloire et de réussite. Ces interrogations traduisent également le
mal-être du personnage, la « névrose linguistique » et la haine de
soi (auto-odi) que véhicule le lexique dépréciatif utilisé par le personnage
pour parler de sa langue [risée, imaginaire étriqué, connaissances réduites,
déclin, rabaissé, dégringolant jusqu’à la disparition, aversion, prisonnier, ni
moi, ni aucune personne ne trouvent la moindre éloquence et l’enchantement que
vous prétendez] qui s’opposent directement à un lexique mélioratif par lequel
il qualifie les langues étrangères [ supérieurs à moi, articles
extraordinaires, rédiger les ouvrages et composer la poésie].
Le concept d’auto-odi qui va être
utilisé pour la première fois en sociolinguistique par Rafael LluisNinyoles
(1969) est, du reste, emprunté au psychologue nord-américain Allport (1954) et
renvoie à une attitude qui consiste à intérioriser la vision du groupe dominant
et à l’appliquer à sa propre réalité, donc à regarder sa propre communauté au
prisme de la vision du groupe prépondérant.
Cette névrose s’en trouve exacerbée
par une confusion totale d’un personnage cornélien qui se trouve dans une
situation dilemmatique où toute décision demeure à la fois pénible et
INCONFORTABLE:
Ensuite, il leva la tête vers le ciel et dit :
-
« Oh mon Dieu ! Oh mon Dieu ! Que dois-je faire ?
Ces cris me harassent et perturbent ma pensée, si bien que je ne sais que faire
ni comment trouver la voie du salut ! Dois-je apprendre les langues des
autres, pour que mes pairs ne me devancent pas sur le chemin de la béatitude et
que je ne sois pas dans l’oubli, tout en ignorant les appels au secours de
cette langue ? Ou alors, dois-je l’apprendre, elle, en dépit du fait qu’elle
ne me garantit ni la félicité, ni la quiétude, ni la gloire, ni encore la
guérison, pour qu’elle soit satisfaite de moi alors que je ne suis pas
satisfait de moi-même, et la majorité des gens non plus. »[16]
Le malaise et le trouble dans
lesquels le personnage se meut le conduisent ainsi à se départir des
caractéristiques de son groupe d’appartenance, à se détourner de sa langue, et
même à rejeter toute relation filiale avec elle- « toi qui t’arroges un
droit de maternité sur moi », martèle le personnage- conformément à ce que
souligne le paradigme de la diglossie conflictuelle. L’attitude du personnage
est claire qui après mûre réflexion en vient à la décision qu’il faut quitter
cette langue :
Il la fixa longuement, puis dit :
« Non !
Non ! avec le temps, j’ai appris que tu es inapte pour cette époque et que
tu es incapable de t’élever à la prospérité qu’il véhicule. Je suis dans
l’obligation de te quitter. Ce n’est pas de ma faute, c’est la tienne. Voilà
que je t’ai démontré le préjudice que tu m’as causé, préjudice que je
supportais en toute patience, en me contentant de toi jusqu’à ce que le
torrent ait atteint les sommets[17]
et que le gouffre devienne plus profond. Par conséquent, je te quitte
en te disant à Dieu ! À Dieu ![18]
Néanmoins, si l’auteur choisit un dénouement
« heureux » à sa fiction, et décide donc de ne pas laisser le
personnage muré dans son dilemme, cela traduit, à notre avis, plus un vœu pieux et un parti-pris de
l’auteur en faveur de la langue arabe, qu’une réalité propre à son époque. Le
dénouement choisi par l’auteur constitue ainsi une contre-propagande visant à
raisonner ceux qui ont déjà franchi le pas, ou alors diffusent les thèses
développées par le personnage, tel que nous allons le voir dans la section
suivante.
4-2- Contre-propagande, culpabilisation
et pression sociologique :
Face à ces thèses minorant la langue
arabe, un autre discours se développe qui cherche à renverser la pression et à
défendre le point focal de l’identité tunisienne. La première manifestation de
ce discours est sans conteste représentée par les répliques de la vieille dame,
qui est tantôt la métaphore de la langue arabe, tantôt le porte-voix d’un pan
de la société qui demeure très attaché à elle ; car, les arguments avancés
sont l’écho de plusieurs autres textes de la même époque ou d’époques
antérieures, notamment le texte de BenAissa (1909). Dans ce discours, force est
de relever des arguments qui puisent leur force dans diverses sphères.
D’abord, à la thèse de la pauvreté de
la langue arabe et de son adaptation à la modernité, sont opposés deux preuves:
à savoir, la reconnaissance par les étrangers de la richesse de l’arabe, d’un
côté ; et l’argument historique du corpus littéraire et scientifique
prestigieux que les Arabes ont produit et qui constitue un apport important
dans les progrès actuels que l’humanité a connus, de l’autre :
-
N’as-tu pas consulté les rapports qui reconnaissent ma
supériorité sur les langues vivantes les plus immenses ? Ce témoignage
n’émane pas de mes locuteurs, mais des locuteurs des langues concurrentes qui
préfèrent m’étudier plutôt que d’étudier leurs langues maternelles sans
craindre que cela ne mène à leur disparition, ni à l’étiolement de leur
nationalité[19].
-
Dis-moi, sur ta vie, comment tes glorieux ancêtres
ont-ils rédigés les articles les plus détaillés ? Comment ont-ils rédigé
des ouvrages utiles dans tous les domaines ? Comment ont-ils composé les
plus belles poésies dans cette langue qui, aujourd’hui, te répugne ?
Comment ont-ils atteint la gloire à travers elle, si bien que leur œuvre est,
aujourd’hui, le fondement de ce que les contemporains construisent ?[20]
-
(…) alors que je suis cette langue au riche lexique et
aux champs sémantiques très vastes ; alors que je suis cette langue claire
et suave dans la source intarissable de laquelle tous ceux qui en connaissent
la valeur, même les enfants des autres langues, aiment à s’abreuver (...)[21]
(...)- alors que je suis cette langue riche en
paradigmes et en racines[22]
-
Si, en effet, tu faisais le moindre effort, tu trouverais dans ta
langue la solution à ton problème, et bien plus encore, de même que tu
découvrirais qu’elle contient en son sein des dénominations permettant de
désigner tout ce que le temps peut amener, sans que cela ne la dévalorise[23].
Toutefois, cette argumentation s’articule sur un autre motif fondé
sur l’accusation sans appel du jeune homme qui a abandonné sa langue et n’a pas
rempli envers la langue arabe son devoir filial. La responsabilité de tout ce
qui s’abat sur la langue arabe est imputable aux locuteurs eux-mêmes:
-
Sais-tu la cause de ces catastrophes troublantes qui se sont abattues
sur moi ? C’est…toi ! (…) À moi seule le droit de te dire que c’est
toi qui as fait de moi la risée de toutes langues ![24]
Et le raisonnement est tout simple qui se réduit au
syllogisme suivant: les autres langues sont en essor et moi en déclin. Or, ces
langues ont trouvé appui auprès de leur locuteurs pour connaitre l’essor, alors
que moi je n’en connais point. Donc, mon déclin est imputable à ta
négligence :
Ces langues ont en
effet trouvé, dans les pires moments et face aux catastrophes les plus
fâcheuses, le plus grand soutien dans leurs enfants qui leur ont prêté main
forte, ont élargi leurs champs et les ont fait évoluer à partir des ressources
propres à ces langues sans grands efforts, ni peine considérable(…) Quant à
moi, je n’ai trouvé en toi aucun soutien et pas la moindre aide dans les
moments difficiles. Tu n’as pas fourni le moindre effort pour élargir mon champ
et améliorer mon état, de telle façon que nous n’avons recueilli, aussi bien
toi que moi, que la risée générale ![25]
Du coup, le
salut ne pourrait venir que dans la continuation de l’œuvre dont les bases sont
déjà jetées, et le manquement à ce devoir est une trahison:
(…)
alors que je t’ai édifié une fondation qui t’aurais hissé au sommet de la
gloire, si tu en avais poursuivi la construction ?[26]
(...) lorsque tu
m’accuses, en fin de compte, d’être seule coupable de mon déclin, alors que
c’est toi qui l’es ?[27]
La culpabilisation du jeune homme, image de tout locuteur qui
se détournerait de la langue arabe, est, par ailleurs, incarnée par le ton
lyrique que prend la vieille dame pour morigéner son enfant irrévérencieux,
ainsi que l’évocation des normes morales régissant le rapport mère-enfant. La
vieille dame accentue sa contre-offensive en situant le débat sur le registre
affectif censé attendrir le jeune et éveiller chez luil’esprit de corps et
l’engagement, aspects que traduisent l’apostrophe « mon enfant », le
recours à un lexique de la lamentation [le chagrin ; le malheur ;
l’inquiétude ; la foudre assassine qui s’abat sur moi ; être au
comble du malheur ; frôler la folie ; je meurs à petit feu…etc]. Cela
est renforcé par les antithèses à travers lesquelles la dégradation physique
est amplifiée et dont le but est de susciter quelque empathie de la part du
jeune homme [la vieillesse qui m’assaillit VS jeunesse qui n’est pas
révolue ; je grisonne VS je n’ai pas atteint l’âge adulte ; yeux en
bouton de bottine VS devraient être luisants][28].
Ces différents arguments sont également étayés par un autre,
factuel, qui incrimine la tendance au mélange des langues souvent interprétée
non seulement comme un signe de non-allégeance linguistique, pour ne pas parler
de trahison,mais aussi, comme un danger et une dégénérescence de la
langue :
Est-ce en me jetant aux
oubliettes et en introduisant tous les mots et les termes techniques étrangers
que toi et ton modernisme voulez ?[29]
Nous trouverons, du reste, l’écho de
ce point de vue quatre décennies plus tard dans un propos du doyen des
sociolinguistes tunisiens, Garmadi (1960 : 41) qui, évaluant les problèmes
de développement de la langue arabe et les obstacles qui l’empêchent de
s’adapter aux nécessités de notre époque, affirme, non sans nous surprendre, à
ce propos :
(…) nous en arrivons
enfin au plus important des obstacles devant le développement de cet arabe
standard moderne, lequel est, à vrai dire, d’abord, l’influence des langues
étrangères (et le bilinguisme) ; et ensuite l’influence des arabes
dialectaux que pratiquent les différentes populations des pays arabes de nos
jours[30].
Toutefois, la stratégie argumentative ne se limite pas au
discours du personnage de la vielle dame, elle se trame aussi de façon
suffisamment claire à travers un ensemble de symboles qui trahissent le parti-pris
de l’auteur en faveur de la langue arabe.
En surface, l’attitude de l’auteur se traduit dans les
adjectifs que le narrateur emploie, ainsi que dans les propos qu’il met dans la
bouche de l’interlocutrice du jeune homme, pour qualifier la vieille
dame : [أم شفوقة : mère
indulgente/ خيرأم : la
meilleure des mères/ كنزا منحك الله إياه : un trésor offert par Dieu/ الأم الحنونة : mère affectueuse/ الوالدة المتقصرة حلما وحنانا : mère débordant d’amour et d’affection].
La partialité de l’auteur se lit
également dans la manière dont la langue est dépeinte à travers la vieille
dame. Le narrateur la dessine, malgré une lumière ténue que devrait
naturellement atténuer l’arbre sous lequel se déroule la scène, celle de la
lune, en mettant l’accent sur sa beauté encore nettement perceptible. Cela
émerge de l’effet hyperbolique que confère à la description la structure
concessive ainsi que l’antithèse qui oppose les termes du rapport de
concession :
(…) une femme à la fin de l’âge
adulte, maigre et pâle, le dos un peu courbé, bien que les petits traits
de sa beauté antérieure fussent encore visibles sur son visage triste[31].
Aux évocations de ce qui est
généralement perçu comme un signe de laideur- la maigreur dans une culture qui
ne conçoit pas ce trait comme un canon de beauté ; pâleur et dos
courbé, qui sont les signes d’une
dégradation- l’auteur oppose non pas le vestige imperceptible d’une beauté
antérieure, mais une beauté antérieure, réelle, encore visible dans de petits
traits que ne cache même pas l’arbre immense sous lequel elle se tient
debout!
C’est, par ailleurs, au niveau
symbolique qu’un autre argument pour la défense de la langue arabe est
suggéré : l’image de l’arbre, en l’occurrence
Elle s’appuyait, de la
main, sur le tronc de cet arbre volumineux comme si elle eût craint (qu’il
tombât ?) de tomber à terre si elle s’en fût éloignée.
Il est à remarquer que, dans la versions arabe du texte rien
ne permet de décider que le pronom sujet "ت" réfère à la vieille dame ou à l’arbre, les deux étant des
féminins en langue arabe. De ce point de vue, la phrase peut vouloir dire aussi
bien « elle s’appuyait de la main sur le tronc cet arbre volumineux, comme
si elle eût craint qu’il tombât à terre si elle s’en fût éloignée » que
« elle s’appuyait de la main sur le tronc cet arbre volumineux, comme si
elle eût craint de tomber à terre si elle s’en fût éloignée ». L’auteur
a-t-il voulu cette ambigüité ? Si cela demeure indécidable, cela ne change
pas beaucoup la valeur symbolique de la scène ainsi que l’argument qu’elle
suggère.
Du point de vue symbolique, l’arbre
évoque, entre autres, la vie et l’évolution, la protection, la grandeur et la
longévité, l’ancrage généalogique, donc la grande Famille (d’où d’ailleurs
l’arbre généalogique)…etc.
Dans cette perspective, l‘ambigüité
sémantique de la phrase suggère l’interdépendance de la langue et de la grande
nation arabe dans la mesure où les deux se tiennent mutuellement en
équilibre. Nous savons, d’ailleurs, que,
dans l’idéologie panarabe et dans les milieux conservateurs, toucher à
l’intégrité de la langue arabe équivaut tout simplement à une atteinte à
l’union arabe. L’argument, que nous retrouvons dans plusieurs textes de la même
époque, est central dans le combat contre la valorisation institutionnelle des
langues étrangères au détriment de l’arabe, d’une part, et surtout contre les
variétés locales vues comme un signe d’éclatement de la nation, de l’autre.
Cette idéologie va, du reste, de pair
avec l’opposition opérée par l’auteur entre les « bons arabes » et
« les mauvais arabes » que nous retrouvons par la bouche du
personnage de la vieille dame affirmant :
N’étaient-ce quelques enfants probes sur qui je m’appuie et dans les bras
de qui je me jette, des enfants qui m’ont accueillie avec joie et qui ont fait
preuve de piété filiale envers moi, tu ne me verrais parmi les vivants, fût-ce
dans cet état ![32]
Cette dichotomie transparait
clairement dans le dénouement « heureux » de la nouvelle- puisque le
jeune homme est heureux d’avoir retrouvé la voie du salut et que le narrateur
en est comblé- dénouement dû à deux qualités centrales chez l’arabe (lire le
bon arabe, l’arabe authentique), « deux sentiments intarissables » (ذينك العاطفتين التين لا ينعدما)(sic.) dans les termes de l’auteur : savoir retrouver la
lucidité, même dans les pires moments, lorsqu’il bien conseillé, d’une
part ; et, d’autre part, la volonté de se rattraper et de ne plus
dilapider les occasions à l’avenir.
Ainsi que nous l’avons signalé plus
haut, la scène de clôture trahit un vœu pieux de la part de l’auteur, la
réalité des choses à cette époque étant décrite dans termes tout à fait
contraires (Cf. l’éditorial : Les enfants des écoles et la langue arabe,
publié sur les colonnes du journal Ennahdha du 02/07/1927, et semble donc être
un appel « à revenir au droit chemin » afin de ne pas se trouver au
ban du progrès et … de l’histoire. D’où la valeur moralisatrice du texte, ainsi
que nous l’avons souligné précédemment.
Conclusions:
Si le texte met en scène les clivages
qui ont traversé la société tunisienne, fût-ce de manière fictionnelle, il n’en
demeure pas moins un document historique pertinent pour la compréhension d’un
contexte sociolinguistique qui manifeste encore les mêmes tensions, la même
anxiété, les mêmes névroses.
Dans cette perspective, le chercheur
en sociolinguistique est appelé à s’interroger sur la place qui devrait être
faite àce type de corpus dans une discipline qui a fait de la parole son
principal objet d’étude. L’écrit doit-il être banni d’une linguistique qui se
veut non pas une branche de la linguistique, mais « toute la
linguistique –– (…) la linguistique remise sur ses pieds » (Encrevé,
1976, dans Labov, 1976 :9) ? Il sera dit, certes, que la linguistique
traite l’écrit en étudiant les écrits électroniques qui manifesteront des différences
sociales au fur et à mesure que nous les approcherons au prisme de catégories
sociales préétablies, ou les inscriptions et les tags dans le cadre d’une
sociolinguistique urbaine étudiant « les voix de la ville » et le
plurilinguisme urbain (Calvet, 1994). Toutefois, si nous admettons que la
sociolinguistique est aussi l’étude des questions sociales par le truchement de
l’usage des langues, ainsi que l’étude des questions linguistiques qui naissent
dans une société donnée, nous admettons tout aussi que la production
intellectuelle sur les problèmes linguistiques qui traversent une société
trouvent bien une raison d’être dans un projet de sociolinguistique.
Ce texte est, du reste, actuel aussi
dans la mesure où, un siècle après, les mêmes affrontements qui émergent de
façon cyclique dans les sociétés arabes contemporaines autour de la question
linguistique, et plus particulièrement la société tunisienne pour le cas qui
nous intéresse. Cela justifie, certes, une approche inspirée de la théorie de
la diglossie catalane, ainsi que le soutient Laroussi (2002), mais cela
n’empêche pas moins de poser la question suivante : les mêmes attitudes et
les mêmes ambivalences étant perceptibles dans les discours épilinguistiques,
dans quelle mesure un tel cadre théorique permet-il la modélisation des
variétés intermédiaires qui naissent dans ces contextes de langue sous tension…
permanente ? Ces variétés nées du croisement des langues auxquelles les
locuteurs peuvent avoir quelque accès, telles que ce qu’il est convenu
d’appeler franco-arabe (Garmadi, 1968), arabe éduqué (Blanc, 1960 ;
El-Hassan, 1977 ), arabe littéraire oral (Meiseles, 1980)
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Anonymes:
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Ennahdha, du 02, 03, 5, 6 juillet 1927.
–
("أ بناء المدارس و اللغة العربية"، النهضة
أعداد 2 و3 و5و6 جويلية1927.)
– Nouvelle: « Réprimandes au cœur de la nuit », Journal Alfajr,
1922, an 2, n°4, pp 162-170.
–
("تأنيب في جنح الظلام"،
مجلة الفجر، 1922، س2، ع4، ص 162-170.)
–
Annexes
تأنيبتحتجنحالظلام[33]
نحن في إحدى أيام الربيع
بالبلاد التونسية وقد صفا الجو واعتدل الهواء وولت أيام الشتاء بأرياحها وزوابعها
القهقرى وحلت محلها أيام الربيع بأزهارها وأنوارها وشمسها المعتدلة[34].
بعد غروب شمس إحدى هاته[35]
الأيام المنعشة رجعت من عملي تاعب الفكر منهوك القوى ولم أحظ في كامل النهار بجولة
في إحدى المنتزهات أريض بها فكري وجسدي فلم أر بدا من الالتفاف بعبائتي والخروج
للتّفسّح ولو قليلا ما.
قضيت برهة من الزمن سايرا
بين الأزقة والأنهج إلى أن وصلت إلى أبواب حديقة غناء كثيرة الأشجار فولجته
وتغلغلت وسط ذلك المنزه الكبير محفوفا بالأشجار من كل جهة. ولم أكن أرى في تلك
الحديقة ولا إنسانا واحدا يؤنسني ولا طيرا يغرد بصوته الشجي على رؤوس تلك الأشجار
حتى الأزهار فإنها انكمشت ولو تبد أدنى حركة لسكون الطبيعة وهدوئها من تلك الآونة.
فحصل لي انقباض من تلك الرهيبة وندمت على خروجي في تلك الساعة وهممت في الحال
بالرجوع وإذا بالمكان قد ابيضّ بنور القمر الساطع وصرت أرى كل شيء حتى العصافير في
أوكارها فاستأنست بذلك البدر المنير وعدلت عن فكرة الرجوع وجلست على أحد المقاعد
الخشبية ثم أخذت أجيل نظري في جميع ذلك الفضاء ناظرا لعجائب ما خلق العظيم
الديّان. وبينا أنا على هاته الحالة إذ رأيت بفضل الأشعة القمرية وراء إحدى
الأشجار العظيمة امرأة في أواخر أيام الكهولة نحيفة الجسد شاحبة محدودبة الظهر
ولكن آثار جمالها الصغرى لا زالت بادية على محياها الكئيب. وكانت واقفة ومسندة
ذراعها على تلك الشجرة الكبيرة كأنها تخشى أن تهوى[36]
إلى الأرض إن هي ابتعدت عنها. أمامها فتى في عنفوان الشباب متزيّ بالزيّ العربي
ينظر إليها بعين الغاضب المعاتب وتقابله بنظرات ملؤها الشفقة والحنان والأسف وعين
قد ملئت مآقيها بحار الدموع ومنهمر العبرات وهما يتحاوران همسا.
فتهيبت من ذلك المنظر
وناجيت نفسي قائلا: يا ترى ما تصنع هذه المرأة أمام هذا الفتى في مثل هذا المكان
وفي مثل هته الساعة؟ هل يتطارحان حديث الحب والغرام وما يقاسيانه من لواعج الشوق
والهيام؟ كلاّ ! كلاّ ! فإنّ الفتى عربي والمرأة عربية
وليس من عاداتهم بث شكوى العشق والوجد في المنتزهات والمحلات العمومية. ولكن لا
يبعد أن يكونا من أولئك المتمدنين الحديثين الذين لم يتعلموا ولم يقلدوا الأروبيون[37]
إلاّ في مغازلة النساء على مرأى ومسمع من العموم ! لكن مرة ثانية كلاّ ! كلاّ ! فإن وقفتهما هاته لا تدل مطارحة الغرام وبث شكوى الشوق والهيام وتدل
بالعكس على جدال بين خصمين ومحاورة خطيرة من كلا الطرفين.
فأدّاني حب الإطلاع إلى
مغادرة مقعدي الخشبي والسير نحو جهة هذين الشخصين لسماع ما يدور بينهما من الحديث،
فأخرست وقع أقدامي وقصدت شجرة بالقرب منهما اختفيت ورائها بحيث أرى ولا أرى وأسمع
ولا أسمع... فإذا بالفتى يخاطب يخاطب رفيقته بصوت تمازجه الحدّة والحنق قائلا:
أهكذا تتركينني سخرية وهزؤا بين أبناء ميع اللغات الحية والميتة؟ أهكذا أولج في
مضيق من كلماتك؟ أهكذا أحصر في عاني ألفاظك التي لم أجد لها ولا يجد كل عاقل أدنى
بلاغة ولا عذوبة كما تدعيه أنت ويدعيه أيضا طائفة من أبنائك الذين وجدوا في مجموعك
ما يعبرون به عن معلوماتهم الضيقة وتخيلاتهم الطفيفة؟ أهكذا يسبقني كل من ينتمي
إلى غيرك من اللغات؟ أهكذا يجد أبناؤها ما يكفيهم وزيادة لجعل أسماء لكل مخترع
حديث ومكتشف جديد ولكتابة المقالات البديعة وإنشاء التآليف ونظم الأشعار؟ أهكذا
أعيش في هوة انحطاط أنت المتسببة لي فيها؟
أهكذا يا من تدّعين حق الأمومة علي أؤاخذ بذنبك فيحقرني كل الناس وينظرون[38]
إلي بعين الاشمئزاز؟ وإذا أردت أن أتعلم وأبرع في لغة غيرك ناديت بالويل والثبور وصحت
مستغيثة قائلة: هل من ينقذني؟ هل من ينجيني؟ وهل من ينتشلني من مخالب هذا الابن
العاق الذي هجرني وضيعني وتركني متدهورة متدحرجة نازلة إلى هوة الفناء والاضمحلال؟
ثم رفع رأسه إلى السماء
وقال: ربّاه! ربّاه! ماذا أعمل!فإن هذا الصراخ أقلق راحتي وحير مجاري أفكاري، فلم أدر
ما العمل وكيف الوصول إلى طريق النجاة! وهل أتعلم لغات غيري حتى لا
يسبقني قرنائي إلى أوج السّعادة العظمى ولا أبقى في زوايا الإهمال، والنسيان وأترك
هاته اللغة تصرخ وتستغيث؟ أو هل أتعلّمها وهي لا تضمن لي سعادتي وهنائي وعزي
وشفائي فترضى علي ولا أرضى على نفسي ولا يرضى علي غالب الناس؟
ثم حدق فيها ططويلا وقال:
لا! لا! فإن الأيام أرتني أنك لست بكفء
لهذا الزمان وغير قادرة على ترقية ما جاء به من أسباب العمران. فإنني تاركك مضطرّا
وما الذنب ذنبي ولكن أنت الجانية على نفسك. وها قد بينت لك ما جنيته علي وكنت أحتمله
صابرا قانعا بك إلى أن بلغ السيل الزبى واتسع علي الخرق فأغارك قائلا الوداع! الوداع!
وبعد أن فاه بهاتين
الكلمتين الأخيرتين أدار ظهره وتحول عنها فمدت يدها الناحلة المصفرة ومسكت بها طرف
ثوبه وأشارت إليه أن يرجع حتى تقول له بعض كليمات.
وبعد أن هدأ روعها وخف
اضطرابها وقل تلعثم لسانها وقالت له بصوت خافت كدت لا أسمعه: بني لا تعجل بالحكم
الصارم علي فإني أمك حقا وليس هذا بادعاء باطل وقد حملت نفسي مشقة الوقوف لسماع
حديثك الطويل وتأنيباتك الموجعة وسهام انتقاداتك الباطلة والمؤلمة. أفلا ترحم هذه
الأم الشفوقة وتصغي لحديثها القصير الممتلي حقائق ونصائحها التي لا تشوبها مخادعة لأنها لا تريد إلاّ[39]
تبيين ماخفيعنكمن أشياء تهمك وعليها معول مستقبلك؟
فسكت ووقف منتظرا. أما هي
فعاودت خطابها قائلة: بني! بني! إنك تشاهد الآن بعين رأسك ما أنا
عليه من النحول والاصفرار وضعف الجسم وكذلك ترى آثار الحزن والأسى منتشرة على كل
جارحة من جوارحي وقد هاجمتني الشيخوخة ولما أتجاوز الشباب، وخط الشيب رأسي ولم
أدخل في دور الكهولة، واحدودب ظهري وأنا في سن الاعتدال والتناسب الهيكلي، وغارت
غيناي وقل لمعانها وحقهما أن تكونا براقتين[40]
ولولا بقية أبناء صالحة توكأت عليهم ورميت بنفسي في أحضانهم فقبلوني مرحبين
ومنحوني ما لي عليهم من الحقوق لما بقيت تراني الآن في عدد الأحياء ولو على هاته
الحالة ولولا بقية أبناء صالحة توكأت عليهم ورميت نفسي
أو تعرف ما سبب كل هاته
النوائب المزعجات التي انهالت علي؟ هوهو... أنت !
أتظنّ أني أبقى مطمئنة
هادئة ولا أتأثر ولا أفنى شيئا فشيئا عندما أراك تتهمني بتركك سخرية وهزؤا بين
أبناء جميع اللغات الحية والميتة، ولي وحدي الحق بأن أقول لك أنت هو الذي تركتني
سخرية وهزؤا بين جميع اللغات حيث أن هاته وجدت من أبنائها أكبر عضد[41]
في مدلهمات الخطوب ومزعجات المصائب فمدوا لها يد المعونة عند الحاجة ووسعوها
وحسنوها من نفسها ولم ينلهم في جميع تلك الأحوال أتعاب كثيرة ولاا مشقات جسيمة، بل
جنوا من وراء ذلك عظيم فوائد ونالوا استحسان كل أفراد الجمهور، أما أنا فلم أجد
منك أقل عضد ولا أدنى معاونة في الشدائد ولو تكلف نفسك قليل التعب لتوسيع نطاقي
وتحسيني فلم تجن ولو أجن معك إلا السخرية العامة؟
أتعتقد إني[42]
لا أموت كمدا وغما عندما أراك تتأفف وتتحسر لولوجك في مضيق من كلماتي وحصرك في
معاني ألفاظي التي هي في نظرك ونظر أمثالك ليس لها أدنى بلاغة ولا أقل عذوبة.
ونسبتك للجنون أبنائي الذين تمسكوا بأهدابي ووجدوا في خير أم[43]
لأحسن أبناء ورميك إياهم بالمعلومات الضيقة والتخيلات الطفيفة وأنا تلك اللغة
الواسعة الألفاظ والمعاني، أنا ذلك اللسان الفصيح العذب الذي يتمنى الورود من
منهله السلسبيل كل من عرف قيمته حتى من أبناء اللغات الأخرى، وما تمسكت بأهدابه
تلك الطائفة التي تعنيها إلا لما وجدت به من عناء الجوهرين وهما اللفظ والمعنى
والصلوحية التامة للتعبير عن أوسع المعلومات وأبعد التخيلات؟
أتشك في الصاعقة المقتلة
التي تنزل علي عندما أسمعك تقول "أهكذا أعيش في هوة انحطاط أنت المتسببة لي فيها؟"
مع إني[44]
شيدت لك أساسا لو أتممت بناءه[45]
لكنت الآن أعلى محلق في سماء المجد؟
ألا تتحقق إني أكاد أخرج
من عقلي لما أراك تدعي عدم وجود المواد الكافية لتحلية كل مخترع حديث ومكتشف جديد
بما يناسبه من الأسماء ولكتابة المقالات البديعة وإنشاء التآليف الفائقة ونظم
الأشعار الرائقة وأنا تلك اللغة الكثيرة المواد والأصول؟
ألم تقرأ جميع التقويمات
التي تشهد لي بالتفوق على أوسع اللغات الحية، وما مصدر تلك الشهادة م المنتمين
إلي، بل من مزاحميّ الذين يفضلون تعلمي على تعلم ألسنتهم لو كان ذلك لا يؤدي
بأمهاتهم إلى الاضمحلال[46]وبقوميتهم
إلى الاندثار؟
قل لي بعيشك كيف كتب
أسلافك الأماجد المقالات الضافية، وكيف ألفوا الكتب المفيدة في أي فن كان، وكيف
نظموا الأشعار البديعة بهاته اللغة التي تشمئز منها اليوم، وكيف حصلوا على أعظم
الدرجات بها حتى بقيت آثارهم اليوم أساسا لكل ما يبنيه المتأخرون؟
أهل أعجزك وأثقل كاهلك
التفتيش عن بعض أسماء بذلت أدنى مجهوداتك
لوجدت في لغتك ما يكفيك مؤنتها وزيادة ولألفيت بطونها تحوي ما جاد به الزمان ويجود
ولا ينقص على ذلك من قدرها بل يزيدها بهاء ورونقا؟
ألا تتيقن إني أوشك أن
أذوب حسرة عندما أراك تفر من الانتساب إليّ كأن ذلك عار ستطلتخ به، وتنسب إليّ جلب
اشمئزاز الناس إليك واحتقارهم إياك، وما ذلك الاشمئزاز وهذا الاحتقار إلا لما
يرونك عليه من الكسل وإهمالك كنزا منحك[47]
الله إياه فأسأت تدبيره وفرطت فيه ولم تفكر يوما ما في تنميته؟
أتفكر فيّ؟ إني لأتميز
غضبا عندما تنسب إلي منعك من تعلم اللغات ا؟لأجنبية وصياحي بالويل والثبور لأول
وهلة مع أني طلبتك في كل الفرص السانحة بإتقان تعلمي أولا وبتعلم ما راق لك من
اللغات الأجنبية وصياحي بالويل والثبور لأول وهلة مع أني طلبتك في كل الفرص
السانحة بإتقان تعلمي أولا وبتعلم ما راق لك من اللغات الأجنبية ثانيا كما تفعل كل
الأمم الراقية وكيف أمنعك من تعلمها والشاعر يقول:
حفظ اللغات علينا **** فرض كحفظ الصلاة
فليس يحفظ شخص **** ألا بحفظ اللغات
والحكيم يقول: "بكل لسان إنسان" وقد لخصت لك مطالبي في هاته
الجملة "حافظ على لغتك وتعلم غيرها"وإني لم أستغث ولم أصرخ إلا عندما
وجدتك قد تركت وصيتي وراء ظهرك ونصائحي في زوايا نسيانك؟
أتتخيل أن لا تذهب تلك البقية من الحياة التي أقضيها بغاية التعب والكدر
عندما تتهمني آخر الأمر بالجناية على نفسي وأنت الجاني عليها، والإذناب نحو شخصي
وأنت المذنب نحوه؟
أيجول بذهنك أني لا أسقط
قهرا عندما أشاهدك تقول: قد بذلت كل مجهوداتي لإصلاحك أيتها اللغة وترقيع ما اختل
منك، ولكن ها قد بلغ السيل الزبى واتسع علي الخرق ولم أجن في نهاية الأمر شيئا؟
قل لي بحق القرآن المنزلة
آياته بهاته اللغة الضيقة! ما هي مجهوداتك الكثيرة أو
القليلة التي بذلتها في سبيل إصلاحي وترقيعي؟
هل هي تركك إياي نسيا
منسيا وإدخالك علي ما شئت وشاء لك تمدنك من الألفاظ الأجنبية و الاصطلاحات
الأعجمية؟
نعم إنك بذلت في سبيلي من
هاته الوجهة الشيء الكثير! وإني لا أدعو[48]
الله أن يجازيك عن هذا لأن الجزاء يكون على قدر العمل!
وها قد رأيتك الآن ترفع
رأسك للسماء وتطلب من الله عز وجل أن يرشدك إلى ما تعمله ويكون فيه نجاحك مع أن
طريق النجاح أمامك مفتوح ولا يحتاج فيه إلى كثير من الشروح! ففز بنفسك يابني قبل أن تتعذر عليك سبل النجاة
وتندم ساعة لا ينفعك الندم واقبل نصائح هاته الأم البائسة التي أتتك مؤنبةومسترحمة
"تحت جنح الظلام الحالك" والوحدة المزعجة، واعمل من الآن على إعلاء هاته
اللغة التي تربطك بها واجبات البنين للأمهات بتعلمها وإتقانها بكل طريقة مفيدة من
بحث وتنقيب ونشر وبكل مالديك وما تجده من أسباب النهوض بها. ولا يمنعك هذا من تعلم
اللغات الأجنبية الحية بعدها.
وإنّي أضمن لك السعادة
الدائمة والهناء المستمر والعز والشفاء من هذا الداء الذي تشكو منه ورضائك على
نفسك ورضاء الناس أجمعين عليها.
قالت تلك المرأة هاته
الجمل وهي تنظر من حين إلى حين إلى ذلك الفتى فترى ذلك الحنق وتلك الشدة يزولان
شيئا فشيئا وما أتمت آخر كلماتها حتى رأتهما زالا تماما وتعوضا بذينك العاطفتين
اللتين لا ينعدما[49]
من العربي ولو في أقصى درجات انحطاطه وهما: الرجوع للصواب عندما يجد من يرشده إليه
والعزم على إرجاع ما فات من الفرص وعدم تضييعها في المستقبل.
فانكب على يد تلك الأم
الحنونة يقبلها ويستمنحها العفو على ما فرّط
في جنبها ويعدها وعدا صادقا بتتبع وصاياها حرفا بحرف حتى يرجع إليها شبابها
وعزها وينال ذلك الفخر بالانتساب إليها.
فسرعان ما أجابته تلك
الوالدة المتقصّرة حلما وحنانا: إنني أعفو عنك يا بني بطيبة خاطر وصفاء ضمير وأطلب
من الله تعالى أن يمنحك معونتك في عملك المقدّس! والآن إلى الملتقى القريب في
سماء المجد!
ثم غابت عن بصره وتركته
مسرورا باهتدائه إلى طريق نجاته في المستقبل وحزينا على تفريطه في الماضي.
أمّا أنا فإني انقلبت
راجعا من حيث أتيت ملآنا غبطة وحبورا بما سمعت ورأيت!
[1]-
Le titre est une traduction de l’intitulé d’un article de presse paru dans le
journal Al-Fajr, deuxième année, n°4, 1922, P 162-170 sous le titre "تأنيب في جنح الظلام"'
[2]- Faculté des Lettres des Arts et des Humanités de Manouba/ Laboratoire Analyse Textuelle, Traduction et Communication
[3] - As-Sawab, n°146, du 22/02/1907, p3.
[4] Al-Fajr, deuxième année, n°4, 1922, P 162-170. Traduit par nous. Texte source dans les annexes
[6] NDT
[7] - jusqu’à ce que le vase déborde.
[8]- Il s’agit d’une référence aux schèmes morphologiques de l’arabe.
[9] La structure de la phrase étant irrégulière, nous avons jugé que l’idée que défend le personnage de la langue arabe est qu’il n’y a aucun danger à étudier les langues étrangères, tant qu’on a bien appris sa langue maternelle. Idée d’ailleurs qui sera développée un peu plus.
[10] NDT
[11] NDT
[12] NDT
[13]NDT
[14] - Nous souligons.
[15]أهكذا تتركينني سخرية وهزؤا بين أبناء جميع اللغات الحية
و الميتة؟ أهكذا أولج في مضيق من كلماتك؟ أهكذا أحصر في معاني ألفاظك التي لم أجد
لها ولا يجد لها كل عاقل أدنى بلاغة ولا عذوبة كما تدّعيه أنت ويدّعيه أيضا طائفة
من أبنائك الذين وجدوا في مجموعك ما يعبّرون به عن معلوماتهم الضيقة وتحليلاتهم
الطفيفة؟ أهكذا يسبقني كل من ينتمي إلى غيرك من اللغات؟ أهكذا يجد أبناؤها ما
يكفيهم وزيادة لجعل أسماء لكل مخترع حديث ومكتشف جديد ولكتابة المقالات البديعة
وإنشاء التآليف ونظم الأشعار؟ أهكذا أعيش في هوة انحطاط أنت المتسببة لي فيها؟
أهكذا يا من يا من تدّعين حق الأمومة علي أؤاخذ بذنبك فيحقرني كل الناس و ينظرون
إلي بعين الاشمئزاز
[16]- ثم رفع رأسه إلى السماء و قال: رياه ! رياه ! ماذا أعمل !فإن هذا
الصراخ أقلق راحتي وحير مجاري أفكاري، فلم أدر ما العمل وكيف الوصول إلى طريق
النجاة ! وهل أتعلم لغات غيري حتى لا
يسبقني قرنائي إلى أوج السعادة العظمى ولا أبقى في زوايا الإهمال والنسيان وأترك
هاته اللغة تصرخ وتستغيث؟ أو هل أتعلمها وهي لا تضمن لي سعادتي وهنائي وعزي وشفائي
فترضى علي ولا أرضى على نفسي ولا يرضى علي غالب الناس
[17] - jusqu’à ce que le vase déborde.
[18]- ثم حدق فيها طويلا وقال: لا ! لا ! فإن الأيام أرتني أنك لست بكفء
لهذا الزمان وغير قادرة على ترقية ما جاء به من أسباب العمران. فإنني تاركك مضطرا
وما الذنب ذنبي ولكن أنت الجانية على نفسك. وها قد بينت لك ما جنيته علي وكنت
أحتمله صابرا قانعا بك إلى أن بلغ السيل الزبى واتسع علي الخرق فأغارك قائلا
الوداع ! الوداع !
[19] La structure de la phrase étant irrégulière, nous avons jugé que l’idée que défend le personnage de la langue arabe est qu’il n’y a aucun danger à étudier les langues étrangères, tant qu’on a bien appris sa langue maternelle. Idée d’ailleurs qui sera développée un peu plus.
[20]- ألم تقرأ جميع التقويمات التي تشهد لي بالتفوق على أوسع اللغات
الحية وما مصدر تلك الشهادة من المنتمين إلي، بل من مزاحميّ الذين يفضلون تعلمي
على تعلم ألسنتهم لو كان ذلك لا يؤدي بأمهاتهم إلى الاضمحلال وبقوميتهم إلى
الاندثار؟
قل لي بعيشك كيف كتب أسلافك الأماجد المقالات الضافية، وكيف ألفوا الكتب
المفيدة في أي فن كان، وكيف نظموا الأشعار البديعة بهاته اللغة التي تشمئز منها
اليوم، وكيف حصلوا على أعظم الدرجات بها حتى بقيت آثارهم اليوم أساسا لكت ما يبنيه
المتأخرون؟
(sic.)
[21]-(...) وأنا تلك اللغة الواسعة الألفاظ والمعاني، وأنا ذلك اللسان
الفصيح العذب الذي يتمنى الورود من منهله السلسبيل كل من عرف قيمته حتى من أبناء
اللغات الأخرى (...)
[22](...) وأنا تلك اللغة الكثيرة المواد والأصول.
[23]-(...) لو بذلت أدنى
مجهوداتك لوجدت في لغتك ما يكفيك مؤنتها وزيادة ولألفيت في بطونها تحوي ماجا دبه
الزمان ويجود ولا ينقص ذلك من قدرها بل يزيدها بهاء ورونقا
[24]- أتعرف ما سبب كل هاته النوائب المعجزات التي انهالت علي؟ هو هو
... أنت ! (...) ولي وحدي الحق بأن أقول لك
أنت هو الذي تركتني سخرية و هزؤا بين جميع اللغات (...)
(sic.)
[25]- (...) حيث أن هاته وجدت من أبمائها أكبر عضد في مدلهمات الخطوب
ومزعجات المصائب فمدوا لها يد المعونة عند الحاجة ووسعوها وحسنوها من نفسها ولم
ينلهم في جميع تلك الأحوال أتعاب كثيرة ولا مشقات جسيمة (...) أما أنا فلم أجد منك
أقل عضد ولا لدنى معاونة في الشدائد ولم تكلف نفسك قليل التعب لتوسيع نطاقي و
تحسيني فلم تجن ولم أجن معك إلاّ السخرية العامة؟
[26]- (...) مع أني شيدت لك أساسا لو أتممت بناءه لكنت الآن أعلى محلق
في سماء المجد؟
[27]- (…)عندما تتهمني آخر المر بالجناية على نفسي وأنت الجاني عليها، والإذناب نحو
شخصي وأنت المذنب نحوه؟
[28]-(...) هاجمتني الشيخوخة ولم اتجاوز الشباب، وخط الشيب رأسي ولم
أدخل في دور الكهولة، واحدودب ظهري وأنا في سن الاعتدال والتناسب الهيكلي، وغارت
عيناي وقل لمعانهما وحقهما أن تكونا براقتين.
[29]- هل هي تركك إياي نسيا منسيا وإدخالك علي ما شئت وشاء تمدنك من
الألفاظ الأجنبية والاصطلاحات الأعجمية؟
[30]- فإنه ينتهي بنا الكلام في هذا
المعنى إلى أهم عائق عندنا في وجه تطوير هذه العربية الحديثة الفصحى وهو والحق
يقال أولا تأثير اللغات الأجنبية (وازدواج اللغة). ثانيا تأثير اللغة العربية
الدارجة التي تلهج بها شعوب جميع البلدان العربية اليوم.
[31]-(...) امرأة في
أواخر أيام الكهولة نحيفة الجسد شاحبة اللون محدودبة الظهر ولكن آثار جمالها
الصغرى لازالت بادية على محيّاها الكئيب (...) Nous soulignons.
[32]- ولولا بقية أبناء صالحة
توكأت عليهم ورميت نفسي في أحضانهم فقبلوني مرحبين ومنحوني مالي عليهم من الحقوق
لما بقيت تراني الآن في عداد الأحياء ولو على هاته الحالة!(Sic.)
[33]- مجلة الفجر، السنة الثانية، العدد الرابع، 1922، ص 162-170. النص
مأخوذ من كتاب محمد هشام بوڤمرة (1985)القضية اللغوية في تونس. ج1، ص
334-341.
[34]- في الأصل: المعتزلة
[35]- Sic.
[36]-
Sic.
[37]- Sic.
[38]- في الأصل: وينظروا
[39]- في الأصل: إلى
[40]- في الأصل: وقل لمعانها
وحقها أن تكون براقة لماعة
[41]- في الأصل: عضو
[42]- Sic.
[43]- في الأصل: أو
[44]- Sic
[45]- في الأصل بناؤه
[46]- في الأصل: إلى اضمحلال.
[47]- في
الأصل: أمنحك
[48]- في
الأصل أدع
[49]- Sic.